jeudi 22 décembre 2011

L'écume des jours, Charles Belmont (1968)

























La disparition tragique et récente de Marie-France Pisier a fait ressortir de l'oubli un film de grande qualité, mais absent de la plupart des encyclopédies du cinéma. C'est l' adaptation du roman L’Écume des jours , de Boris Vian publié en 1947, par Charles Belmont en 1968.

Composée en 1946, rédigée aux dos d’imprimés de l’ AFNOR, où il travaillait alors, l’édition originale, dédiée à sa première épouse Michelle, est publiée le 20 mars 1947 aux éditions Gallimard/NRF. Bien que soutenu par Raymond Queneau et Jean-Paul Sartre, qui en publiera des extraits dans le Numéro 13 d’octobre 1946 des Temps modernes, il n’aura aucun succès de son vivant. Les personnages évoluent dans un univers poétique et déroutant, avec pour thèmes centraux l’amour, la maladie, la mort, dans une envoûtante atmosphère de musique de jazz, de climat humide et marécageux, qui rappellent les bayous de Louisiane.
L'adaptation au cinéma de ce roman complétement atypique était une entreprise folle.
Charles Belmont, réalisateur discret et presque inconnu réalise cependant l'exploit de rendre la poésie du livre, à l'aide de grands acteurs, alors débutants. Le film eut peu de succès, en parti éclipsé par les évènements prenant naissance en mars 1968. Même Charles Belmont, le réalisateur, préfère l’ambiance des barricades à celle des salles obscures et ne défend pas son film, baisse les bras. Il se sent à peine concerné par la présentation de son film au Festival de Venise.
Le film est centré sur le personnage de Colin, qui « possède une fortune suffisante pour vivre convenablement sans travailler pour les autres » ; un ami nommé Chick, qui ne dispose pas de cette chance, puisque, étant ingénieur, il est très pauvre (contrairement aux ouvriers). Le troisième personnage masculin est le cuisinier stylé de Colin, Nicolas.
Ce dernier tombera amoureux d’Isis, une amie de Colin.
Un jour, Chick fait la connaissance d'une fille, Alise, qui est parente de Nicolas. Colin, jaloux, désire lui aussi connaître une fille, et tombe amoureux de Chloé lors d'une fête. Il se marie avec elle et donne une partie de son argent à Chick pour qu’il épouse Alise. Chloé tombe malade : elle a un nénuphar qui pousse dans son poumon. Pour la guérir, Colin lui achète des fleurs et l’envoie à la montagne. Quand elle revient, le nénuphar n’est plus là, mais elle ne peut utiliser maintenant qu'un seul poumon. Colin doit chercher un travail pour acheter des fleurs, quand Chloé tombe de nouveau malade, de l’autre poumon.
Leur maison rapetisse progressivement et devient chaque jour plus triste et obscure, malgré les efforts de leur petite souris grise à moustaches noires pour nettoyer les carreaux et laisser passer les rayons de soleil.
Comme Chick aime plus Jean Sol Partre (anagramme transparent...) qu’Alise, celle-ci tue le philosophe avec un arrache-cœur, nom qui sera le titre du roman que Boris Vian publiera ensuite, et brûle les librairies proches de chez elle, mais elle meurt dans les flammes. Pendant ce temps, la police tue Chick parce qu’il ne paye pas ses impôts.
Lorsque Chloé est emportée par la maladie, Colin est ruiné. Comme il ne peut payer le prix fort, les religieux sont irrespectueux lors de l'enterrement.

Ce film présente des thèmes forts:

L'amour : De nombreuses formes d'amour sont présentes, l'amour fou entre Colin et Chloé, l'amour impossible entre Chick et Alise et l'amour physique entre Nicolas et Isis.

Le monde du travail : l' œuvre dénonce les conditions de travail inhumaines. Chaque personne employée est ramenée au rang d'une machine.

La musique : Le jazz est omniprésent. Il y a de nombreuses références aux musiciens et compositions de jazz.

La religion : Pendant le mariage, l'église est présentée comme avide d'argent. Le curé se réjouit de la mort du chef d'orchestre, comme il n'aura ainsi pas à payer les autres musiciens. L'enterrement est l'opposé du mariage, car Colin n'a alors plus d'argent. On jette le cercueil par la fenêtre, les deux porteurs sont sales, le conducteur chante à tue-tête, le Chuiche, le Bedon et le curé font une courte apparition sans avoir pris la peine de s'habiller correctement, Lapidation|lapident Colin, le cercueil est balancé dans la fosse. Le Christ, dans l'église, s'anime et demande à Colin pourquoi il n'a pas donné plus d'argent pour l'enterrement.

La superficialité : Colin ne se rend pas compte de combien Chick abuse de son amitié en lui demandant souvent de l'argent pour acheter des livres ou des objets de Partre. Vian se moque aussi de la mode, en prenant comme exemple le phénomène « Jean-Sol Partre », et le caractère insolite des acquisitions de Chick.

La maladie : Chloé est le personnage le plus affecté par la maladie, car c'est elle qui la porte. Tous les autres personnages sont aussi affectés, mais plus particulièrement Colin et Nicolas, qui vivent auprès d'elle. Le comportement de Colin change beaucoup. Il y a d'une part, son apparence négligée et d'autre part, sa perte d'envie de vivre malgré son épicurisme. Il y a aussi Nicolas, qui laisse paraître un vieillissement soudain : « Tu as vieilli de dix ans depuis huit jours. — De sept ans, rectifia Nicolas. »

Le temps : La maladie est détectée tout de suite après le mariage et c'est la fin de l'hiver, soit le début du printemps. Encore une fois, la symbolique de l'eau est très présente puisque la neige fond, les plantes renaissent et les maladies germent. De plus, Vian aborde les thèmes de la chaleur et du froid inversement à la pensée commune. La chaleur est associée à la maladie, alors que le froid est considéré comme un remède : « Tu vas prendre froid ! s'écria Alise. Couvre-toi ! — Non, murmura Chloé, il le faut, c'est le traitement. ».

La discrimination : Le cercueil de la femme décédée de Colin, Chloé n'est pas respecté. En effet, celui-ci est jeté par la fenêtre par les personnes de la morgue. La dépouille ou plutôt le cercueil n'est donc en aucun cas respecté, car Colin n'a plus de moyens pour financer un enterrement convenable à sa regrettée épouse puisque celui-ci s'était ruiné pour la guérir avant son décès. Ici Vian veut démontrer la discrimination entre les personnes riches et pauvres car leur mariage fut somptueux du fait qu'il était été payé le prix fort alors que l'enterrement est pathétique du fait que Colin n'ait plus
d'argent.



(source: http://nezumi.dumousseau.free.fr/)

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